Luc, pour commencer, peux-tu te présenter
et me parler de tes premiers contacts avec la musique ?
Je suis originaire du Nord de la France, de la Picardie plus exactement.
Mes premiers contacts avec la musique, en tant qu'amateur, sont liés
à l'apprentissage du Classique comme beaucoup de musiciens. Par la
suite, je suis parti en Angleterre durant un an environ.
Puis j'ai déménagé à Paris où j'ai essayé
de faire de la musique en tant que professionnel.
Voilà un court résumé
Quel a été ton apprentissage exact,
pour pratiquer la Musique Classique tu as du prendre beaucoup de cours
?
Oui, je prenais des cours de piano classique comme cela se faisait à
cette période dans les familles.
Parallèlement à cela je profitais de la proximité
de bases militaires américaines. Mon père, mon frère
et mon oncle y travaillaient. De ce fait, j'ai très vite été
en contact avec la musique américaine à l'âge de 5-6
ans car je pouvais m'y procurer des disques. Mes parents étaient
amis avec un Capitaine " black " qui m'a fait découvrir
des trucs de Blues comme BB King.
Cette musique n'était pas encore très connue en France,
où la vogue était au Twist avec Les Chaussettes Noires et
tout cela. C'est de cette façon que j'ai quitté le Classique
pour rentrer dans l'Univers des musiques noires.
Par la suite j'ai formé un groupe au Lycée, comme je parlais
déjà pas mal en anglais je me suis retrouvé bombardé
chanteur. A l'âge de 19 ans j'ai décidé, avec l'organiste
de ce groupe qui avait une certaine renommée dans le Nord de la
France et dans les Ardennes, de devenir professionnel. L'organiste en
question était Slim Batteux (voir son interview
ICI, Nda) qui est encore un musicien assez connu.
Nous sommes allés, dans un premier temps, en Angleterre pour finalement
revenir à Paris.
Nous avons voulu faire notre trou, ce qui a été difficile
au départ mais au fil des rencontres nous y sommes parvenus.
Te souviens-tu de tes premiers contrats professionnels
?
Je ne me souviens plus très bien
La première personne connue que j'ai rencontrée est un batteur
qui s'appelle " Doudou " Weiss. Il a joué un peu avec
le groupe Magma et beaucoup avec Johnny

Je l'ai rencontré dans une boite, il m'a dit qu'il m'avait entendu
chanter et que je correspondais au profil du chanteur-pianiste qu'il recherchait
pour son groupe Alice. Ce dernier était signé dans une maison
de disques et les répétitions se faisaient à Nancy.
Je suis donc allé vivre pendant près de 2 ans à Avricourt.
Puis j'ai rencontré des gens plus connus dans la musique et nous
nous sommes alors un peu orientés vers la variété.
De toute façon si tu veux gagner de l'argent en France quand tu
es musicien, tu dois faire de la variété
Quel est le premier artiste, avec lequel tu as
travaillé, qui t'as le plus marqué et qui te marque encore
aujourd'hui ?
Je peux dire que c'est Eddy Mitchell que j'ai connu en 1978 par l'intermédiaire
de Jean-Jacques Milteau. Il voulait modifier la structure de son groupe
et prendre des choristes " mecs ", donc un vrai groupe de Rock,
non je blague (rires)
Ce mec m'avait toujours plu par le contact qu'il avait avec la musique
américaine.
Déjà les Chaussettes Noires, à l'époque, je
trouvais que c'était différent des autres groupes
Tout comme ses premiers disques enregistrés à Londres puis,
plus tard, à Nashville.
J'aimais aussi son humour et c'est avec lui que j'ai fait, pour la première
fois, l'Olympia durant une longue durée, soit 1 mois ½.
J'ai joué avec Eddy 8 ou 9 ans et il reste une personne que je
peux croiser et avec lequel j'ai toujours des rapports très sympas.
Je sais qu'il est réputé pour être un peu " bougon
" mais il est très sympa et timide en fait, je l'aime bien.
De cette période avec Eddy on garde de
toi cette image des trois choristes tout de cuir vêtus, avez-vous
continué à travailler ensemble, avec ce trio ?
Eddy et moi-même aimions bien Gene Vincent depuis très longtemps.
Nous avons donc eu l'idée de monter un plan genre " Blue Caps
" (nom du groupe qui accompagnait Gene Vincent à la grande
époque "Capitol", Nda), c'est-à-dire s'habiller
en bleu et mettre des casquettes bleues.
Lorsque nous avons fait cet Olympia avec Eddy, Michel Jonasz est venu
nous voir et il a dit " ça me branche un truc de trois
mecs comme ça ", nous avons donc travaillé pour
lui par la suite.
Puis Renaud est venu nous voir sur un concert de Jonasz et a eu la même
réaction. Nous avons donc aussi travaillé pour lui etc
Le line-up de ce trio a évolué avec le temps, il y a eu
Slim Batteux, Philippe Patron qui malheureusement est décédé,
il y a eu Chinois (Jean-Pierre Pourret, Nda) etc
Bref le troisième élément du trio n'était
pas systématiquement le même
La dernière fois que nous avons fait cela ensemble c'était
avec Jonasz en 1993-94. Sur cette tournée, il avait des musiciens
américains comme Steve Gadd et Abraham Laboriel Sr
et voulait réunir une dernière fois ce trio en souvenir

As-tu une anecdote, qui date de cette période,
à me raconter ?
Oui j'ai des anecdotes
D'ailleurs j'en parlais encore la semaine dernière à Michel
Gaucher (saxophoniste pilier du groupe d'Eddy Mitchell car déjà
présent à l'époque des Chaussettes Noires, Nda).
On se disait que la tournée de 1980 qu'on avait faite pour Monte-Carlo
et le Palais des Sports reste un grand moment. Avec Eddy, dernièrement,
on se disait que c'était comme si nous étions partis en
vacances
Je me souviens aussi avoir fait les Restos du Cur pendant 7 ou 8
ans en tant que choriste et coach vocal pour les artistes. Un jour Marc
Lavoine est venu me voir en me demandant si je me souvenais de l'Olympia
78 avec Eddy et plus particulièrement d'un garçon qui plaçait
les gens , vendait les programmes et venait souvent dans les loges discuter
avec nous . Il m'a dit que c'était lui
En fait, je me souvenais
bien de sa tête.
Sinon j'ai plein d'anecdotes avec Eddy mais beaucoup de choses que je
ne peux pas raconter (rires).
J'ai un profond respect pour lui et nous avons, aussi, en commun l'amour
du cinéma, du Rock'n'Roll, de Gene Vincent sans parler de son sens
de l'humour. C'était un bonheur de travailler avec ce type qui
n'emmerde jamais personne
La dernière fois que j'ai bossé avec lui c'était
sur l'album " Les Nouvelles Aventures d'Eddy Mitchell " sur
lequel je chantais sur 2 titres.
Quelle est l'actualité de Luc Bertin aujourd'hui
?
J'ai monté des master class de chant qui se passent sur 10 semaines
soit 2 mois ½ deux fois par an.
Cela me prend un peu de temps car j'ai une trentaine d'élèves
Je travaille toujours comme musicien, soit pianiste, soit chanteur, sur
des disques et je joue énormément à Paris avec des
groupes dans des Clubs. J'essaye de ne pas trop me disperser en jouant
dans 4 groupes.
Il y a un groupe qui reprend le répertoire Tamla Motown (Desktops,
Nda) ; un groupe pur et dur de Rock'n'Roll des années 50 (Brand
New Cadillac, Nda) avec Jacques Mercier, le chanteur du groupe
Captain Mercier.
Je joue avec Basile Leroux en quartette depuis 3-4 ans. C'est un
grand ami, nous aimons nous voir et jouer ensemble. J'ai aussi une autre
formation plus orientée New-Orleans (Dr No, Nda) qui reprend
des titres de Professor Longhair par exemple. Y jouent le batteur Denis
Benarrosh ainsi que le bassiste Laurent Vernerey qui accompagne
Johnny sur son " Flashback Tour ".
Mon
autre actualité est que j'ai la grippe et le nez bien pris (rires).
Toi qui a traversé pas mal de périodes
différentes comment jauges-tu la popularité des musiques
roots en France actuellement ?
Je pense qu'il y a toujours eu un public pour ces musiques. Dans les années
40 c'était plus le Jazz
Cela n'a pas vraiment varié, peut être qu'il y a plus d'intérêt
chez les jeunes pour les sources de la Musique
Très franchement je ne vois pas de gros changements entre les années
1970 et les années actuelles.
Il faut quand même savoir qu'en France 90 à 95% de la musique
est de la variété. Je l'ai constaté en faisant "
Les Restos " pendant 9 ans
Je ne veux pas porter de jugements sur Goldman ou Obispo, c'est comme
dans un match de rugby, on dit qu'il faut tenir compte des circonstances,
ça se trouve comme ça
La France n'a jamais été une nation Rock, ce qui est normal
car la culture Rock est anglo-saxonne
J'ai eu la chance d'être très tôt en contact avec la
culture américaine. Dans un premier temps grâce à
la profession de mes parents puis parce que je me suis marié à
une Californienne et que je me suis longtemps installé là-bas.
Donc j'ai eu un contact plus direct
Pour te donner une idée nous avions lancé le concept "Autour
du Blues", il y a quelques années. Quand des artistes
comme Cabrel ou Goldman n'y participaient pas il était très
dur de trouver des engagements ou ce n'était pas du tout le même
tarif
Cela veut bien dire ce que ça veut dire
Dans la jeune génération quels sont
les musiciens que tu apprécies, y'a-t'il des successeurs aux Bertin
et autres Batteux ?
Oui il y a de grands musiciens. Le niveau technique est plus élevé.
Il m'arrive de jouer avec des gens dont je pourrais être le père
et qui sont vraiment très bons.
Je retrouve ce cas au sein du groupe hommage à Tamla Motown dont
je fais partie. Il y un jeune clavier qui est formidable (Luc veut
probablement parler de l'excellent Johan Dalgaard, Nda), il me demande
souvent des trucs genre " raconte-moi comment c'était avant
". De ce fait, j'ai parfois l'impression d'avoir 95 ans
Ces mecs-là écoutent beaucoup de musique, ils seraient presque
plus roots que nous, c'est des bêtes !
Par contre au niveau des churs, c'est différent, mais cela
peut être dû au fait que la production musicale française
a beaucoup baissé de niveau. Il y a 20 fois moins de séances
d'enregistrement qu'auparavant
Pour terminer, quels sont tes projets, penses-tu
enregistrer avec tes groupes actuels ?
Il y a peut-être un projet d'enregistrement avec l'un des groupes
dans lequel je joue. Je ne sais pas encore
Il y a peut être un truc marrant avec le groupe " fifties "
mais il est trop tôt pour en parler.
Je vais peut être produire un album pour un type dont la musique
n'est pas la mienne mais qui m'a beaucoup plue. J'essaye de lui trouver
un contrat dans une major, ce qui n'est pas facile.
Ce qui me préoccupe le plus ce sont ces master class qui me prennent
beaucoup de mon temps et qui me passionnent vraiment. Ce qui me fait le
plus peur est de ne pas pouvoir me laisser suffisamment de temps pour
parvenir à rester musicien
As-tu une conclusion à ajouter ?
Vive la musique, j'espère que tout cela va continuer
PS : Merci Luc pour m'avoir accordé
cet entretien alors que tu étais grippé!
http://myspace.com/lucbertin
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